Chapitre 2: OÙ TROUVE-T-ON DES POSTES MATPARA ?

 

Au sein de la 1ère Compagnie de Ravitaillement par Air de Strasbourg.

(crédit photo: Jean-Pierre MAGUET 59 1/C)
L'insigne de la 1ère CRA a été dessinée par le Major Bertin.

Source photo: Robert TRAVAILLOT le 28/01/2023.
  • Témoignage de Michel LORRAIN.
    Né en 1930. Incorporé pour le service militaire obligatoire le 26 Mars 1950 à la 1ère Compagnie de Ravitaillement par Air, caserne Bataille à Strasbourg. Breveté parachutiste N° 52047 le 2 novembre 1950.
La compagnie comportait un effectif de deux cents hommes environ. Cette unité avait été conçue avec des vestiges des armées de la dernière guerre qui s'était terminée quelques années auparavant. Par exemple, l'armement individuel se composait de fusils Mauser et de mitraillettes Sten. Les parachutes à personnel et à matériel étaient ceux des Américains. Et il y en avait très peu. À la sortie d'un stick c'était un panachage de parachutes à voilures blanches et à voilures camouflées. Il n'était pas rare de trouver des panneaux blancs sur des parachutes à voilures camouflées et vice-versa.
A chacune de nos manœuvres aériennes nous ne pouvions disposer que d'un lot restreint de parachutes à personnel. J'ai vu des sous-officiers, vieux briscards, frustrés de n'avoir pu sauter le matin, replier sur la pelouse les parachutes ayant servi à d'autres, afin d'effectuer ensuite leur propre saut dans une rotation suivante de l'avion. Cela ne devait pas être réglementaire, mais c'était cela, la 1ère CRA !
La compagnie était structurée en six sections, à savoir : une section de commandement, une section de pliage, une section d’emballage, une section d’arrimage – largage, une section auto et une section d'instruction.
Petit historique de la CRA au moment où je l'ai connue, c’est-à-dire de mars 1950 à octobre 1951, elle était déployée sur deux implantations :
Première implantation : caserne Bataille, rue Vauban à Strasbourg. On y pratiquait l'instruction militaire des jeunes recrues. On y faisait aussi l'entraînement préparatoire au parachutisme (entraînement au sol).
La section commandement comprenait : bureaux administratifs, armurerie, habillement, transmissions, service général, cuisines etc.
Dans la cour se trouvait une maquette de Dakota faite de bric et de broc. Je n'ai jamais vu utiliser cette maquette, certainement parce que nous n'avions jamais eu de Dakota à notre disposition pour les exercices aériens. Il y avait aussi un petit stand de tir où l'on s'exerçait au tir à la carabine 5,5 mm.
Deuxième implantation : Kehl, dans une ancienne usine à gaz. Sur ce site se trouvaient les services de pliage, d’arrimage - largage et le service auto.
Le bâtiment affecté au pliage était suffisamment élevé pour qu'on puisse y pratiquer le séchage des parachutes. Deux tables servaient au pliage des parachutes. Il y avait aussi des étagères pour y stocker les parachutes.
Un autre bâtiment abritait le matériel de largage et d'arrimage.
Vers le 15 mai 1951, l'ensemble des services de la caserne Bataille fut transféré à Kehl, dans une ancienne école professionnelle (Guewerbeschule) au 42 de la rue de la Kinzing. Notre nouvelle «résidence» était située à quelques centaines de mètres de l'usine à gaz. C'était donc uAu début de mon séjour, les exercices aériens étaient assez rares car nous ne disposions qu'au compte-goutte des JU 52 de la base de Reims. Puis, à la suite d'un accord avec l'USAF, la base militaire de Francfort mit à notre disposition des C 82 puis des C 119. Changement radical pour nous, tant pour effectuer les sauts d'entretien que pour faire du largage de matériel.
À compter de ce moment-là il me semble que la CRA connut plus de considérations que jamais de la part de notre ministère. Par exemple nous avons été amenés à tester de nouveaux parachutes à matériel...en papier. Ces parachutes étaient de production hollandaise. Je ne sais si ce matériel a été retenu et a pu être utilisé par la suite dans d'autres unités.

Nous avons également expérimenté le largage de chiens. Pour cette activité il fallut improviser pour empêcher l'animal de se faire traîner au sol. C'est un mécanicien du service auto qui inventa un système de mousqueton qui se déverrouillait lors du choc a l'ouverture. L'expérience fut désastreuse car le chien, une fois arrivé au sol pris la fuite emportant avec lui son harnais et le fameux mousqueton.
Puis le 21 novembre 1951, de grandes manœuvres furent organisées sur le terrain de Strasbourg-Entzheim : 90 parachutistes sautant simultanément de trois C 82  de la USAF. Pour la circonstance, la plus grande partie des parachutistes étaient venus avec leurs parachutes, d’unités basées dans le sud de la France, y compris des instructeurs de l' ETAP. C'était pour ces derniers la découverte du saut a partir d'un avion bipoutre : le Nord 2501 n'était pas encore opérationnel.
Malheureusement, ce jour-là le vent était très fort, atteignant des pointes de 21 m/s. On crut que l’exercice serait annulé. C'était sans compter sur la pugnacité du Commandant THIRIET qui commandait l'ensemble. Le soir venu, devant la persistance du vent, certains officiers parachutistes invités lui suggérèrent de reporter l’exercice à un autre jour. Le commandant THIRIET, leur répondit d'un ton sec : « si vous vous dégonflez, restez au sol, mes hommes, eux, sauteront !». Il nous donna l'ordre de s’équiper. Pour ne pas être de reste, tout le monde suivit...Naturellement je vous laisse imaginer la casse à l'arrivée au sol...
  • Photos transmises par Michel LORRAIN.
Photo prise le 21/2/1952 lors de la St-Pépin. Je ne sais si c’était une fantaisie de la CRA, mais notre St-patron n'était pas St Michel mais St-Pépin. Façade de la Guewerbeschul: c'était le nouveau casernement de la CRA après le regroupement.
JU 52 équipé pour largage. Porte enlevée et chemin de roulement en place. Le premier C 82 dont nous avons disposé.
 
Cette photo a été prise la première fois que nous avons manœuvré avec l’USAF. La vue de ces mastodontes de l'époque n'a pas été sans étonner les Strasbourgeois.
 
Voici une explication de cette photo prise sur le terrain d'Entzheim:
Habituellement, à la fin d'une journée de manœuvre aérienne, le dernier vol du JU 52 était attribué aux officiers et sous-officiers qui devaient effectuer les sauts d'entretien auxquels était liée la prime à l'air. Ce jour-là, le capitaine THIRIET (notre commandant d’unité) se plaça le dernier du stick. Son tour venu, il prît position à la portière de l'avion. Alors que le largueur lui donnait le GO traditionnel, notre parachutiste se retourne vers lui mais ne bouge pas. Le largueur réitère plusieurs fois son ordre. Le sautant ne bouge toujours pas.
Malgré une dernière injonction du largueur, «mon capitaine, il est temps de sauter, nous allons avoir dépassé la DZ», ce dernier n’obtempère pas. Et enfin, au dernier moment le capitaine s'éjecta de l'avion.
L'audacieux parachutiste avait bien calculé son coup, il voulait se poser en vedette au milieu des photographes et des spectateurs qui se tenaient le nez en l'air, au pied de la tour de contrôle. Mais, comme on peut le lire sur la coupure du journal «Les dernières nouvelles d'Alsace» le reporter ne l'avait pas compris ainsi : voici la traduction de ce qu’a écrit le journaliste : « Lorsqu’on saute en parachute il est très important de sauter au  bon moment. La photo montre que le parachutiste, à Entzheim, a atterri en dehors de la zone de saut et aurait pu se tuer ».
Je pense pouvoir dire que notre unité jouissait d'un certain renom car, à plusieurs reprises, nous avons reçu des missions militaires étrangères venues se documenter sur nos activités. Je me souviens en particulier d'une délégation d'officiers de l'arméeInsérer une colonne après Irakienne. Le capitaine THIRIET à qui l'humour ne faisait pas défaut, nous avait glissé (en petit comité) que c'était la première fois qu'il recevait des «Iroquois».
De plus il nous est arrivé de participer à un meeting aérien qui s'est tenu le 5 août 1951 à Belfort.
Notre rôle bien modeste avait consisté à effectuer un saut traditionnel d'un stick de 15 paras. Initialement c'était un groupe de paras de l'ETAP qui devait exécuter la prestation, mais pour une raison que j'ignore, c'est nous qui les avons remplacés.
Je ne puis résister à évoquer les retrouvailles que nous avons faite ce jour-là en la personne du Lieutenant BONGEOT qui avait été parmi nos instructeurs à l'ETAP. Il était originaire de Danjoutin et était venu en voisin pour effectuer une démonstration de saut en commandé. Cet officier était, tout comme l'était aussi le capitaine THIRIET, l'un des premiers parachutistes français de l'armée de la libération.
Voici une page du programme de ce meeting qui évoque le lieutenant BONGEOT.
Ne vous étonnez pas de trouver sur cette page les dédicaces de charmantes paras du « Bouquet de Paris » (Fédération Para de l'Ile de France), car à la CRA, on savait aussi s'intéresser à tout ce qui était beau!
Ceci est pour la partie «glorieuse» de la CRA. je parlerais encore de l'indigence de nos équipements. À défaut de rangers nous devions sauter équipés des chaussures cloutées que nous possédions dans notre paquetage individuel. Imaginez les dérapages glissants sur le plancher en aluminium du JU 52, sans compter le défaut de maintien de la cheville lors de l'arrivée au sol.
Mais, en dépit de la pauvreté de nos moyens, nous recevions pourtant une formation équivalente à celle que recevaient les troupes de choc : exercice d'orientation de nuit, simulation d'attaque d'un objectif fortifié, marches forcées sur un parcours d'une trentaine de Kilomètres, marche de nuit pour retourner à la caserne après avoir été déposé dans un lieu inconnu souvent éloigné de quelques dizaines de kilomètres, maniement d'explosifs au camp de Oberhoffen etc.
  • Citation à l'ordre du Corps d'Armée.
Texte de la citation
« Jeune unité, qui, créée en octobre 1948 et constituée en majeure partie d’éléments parachutistes de toutes armes, sous les commandements successifs du lieutenant CAMUS et du capitaine FRAVAL, a été appelée dès sa création, en même temps qu’elle avait à résoudre les difficiles problèmes de son organisation, à faire face à d’incessantes demandes de ravitaillement par air.
Composée d’un personnel d’élite animé d’une conscience professionnelle au-delà de tous éloges et d’un esprit d’équipe à citer en exemple, a, dans des conditions météorologiques souvent défavorables, parfois même à la limite de l’interdiction de vol, partagé gaiement avec les équipages des groupes de transport les risques de missions délicates dans un ciel souvent hostile pour apporter aussi bien aux troupes en opérations qu’aux garnisons des postes les plus reculés de la Haute Région, le réconfort d’un parachutage.
A ainsi, en 22 mois d’un travail sans répit, du 16 octobre 1948 au 31 août 1950, conquit des titres dont l’éloquence est dans les chiffres :
  • 12.443 tonnes larguées au cours de 6.824 missions représentant 17.113 heures de vol, pendant que la section d’entretien pliait 210.000 parachutes.
Porte en son sein les trace glorieuses d’un lourd tribut payé à l’accomplissement de la mission.
  • 76 mitraillages en vol,
  • 4 largueurs tués,
  • 1 blessé, 2 disparus. »
CETTE CITATION COMPORTE L’ATTRIBUTION DE LA CROIX DE GUERRE DES T.O.E. AVEC ETOILE EN VERMEIL.
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Historique des unités MATPARA



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