À 18 ans, j’ai fait ma demande pour rentrer à l’Arsenal. C’était en 1950. J’aurais pu être prise, mais mes parents m’en ont dissuadé, parce qu’à cette époque, l’Arsenal avait mauvaise réputation. Je suis donc rentrée chez AVIOREX. L’usine se situait faubourg du Moustier, à Montauban, entre la rue du « Lycée » et la rue de la « banque ». En face, il y avait la boulangerie « BREGAL » (la plus grande boulangerie de Montauban pendant la guerre, célèbre pour sa coque à la fleur d’oranger). Aujourd’hui, à sa place il y a le magasin « JADE ». C’était petit. La sellerie se trouvait à la cave et au grenier on faisait du repassage. Je me rappelle aussi du grand bassin, qui se trouvait derrière le bâtiment, dans lequel nous allions à tour de rôle laver les parachutes. Il y avait aussi un petit balcon et maintenant en dessous, ils ont fait comme un garage! Le long du bâtiment il y avait une petite ruelle qui descendait sur la plaine de SAPIAC. On garait nos vélos sur le boulevard et quand il pleuvait on les recouvrait d’une bâche. Les gens qui passaient devant croyaient qu’il y avait un réparateur de vélos ! Des fois, des personnes rentraient pour demander une pompe pour regonfler leur vélo. Le gérant de cette entreprise (avec la cravate sur la photo) était un militaire à la retraite. Il me semble qu’il avait été colonel dans la cavalerie. Il s’appelait monsieur PINEDE. Mais celui qui faisait marcher l’atelier, c’était monsieur RAMAUD, un ancien capitaine de l’ARSENAL. Il avait embauché aussi, monsieur EYRALD, pour s’occuper de l’entretien et de la réparation des machines à coudre. C’était un peu l’homme à tout faire de l’atelier. Il avait été un des premiers chefs d’atelier de l’ARSENAL. AVIOREX appartenait aux frères DREYFUS, ils avaient une autre usine dans la région parisienne à CLICHY rue Barbès. Au début, j’ai commencé par repasser des cravates en soie. On faisait aussi des caleçons, des vestes, des sahariennes, que des vêtements pour l’armée. De temps en temps, nous voyions arriver des militaires qui venaient contrôler les vêtements que nous faisions. Ils procédaient par prélèvements. Nous faisions de la réparation de parachutes en soie et nous fabriquions aussi des extracteurs en soie. Ils avaient douze petites suspentes. Le parachute AVIOREX était un parachute qui n’avait pas de panneau. Il n’avait que des fuseaux. On parlait de quart panneau supérieur ou de trois-quarts panneau. On posait une ganse avec une couture zigzague pour éviter que le fuseau ne se déchire sur toute sa longueur. Autre particularité, les empiècements. Ils étaient doubles. On mettait le plus grand dessus et le petit en dessous. Ce dernier devait être environ un centimètre plus petit. Et les contremaîtresses veillaient à ce qu’on n’inverse pas les tissus. Elles étaient très dures. Il était interdit d’aller aux toilettes un quart d’heure après le début du travail ou dans le quart d’heure qui précédait la fin du travail. Nous faisions huit heures par jour, avec une seule pose le matin de dix minutes pour le petit déjeuner. Il était interdit de parler à la voisine, même pour demander une aiguille ! Il fallait passer par l’intermédiaire de la contremaîtresse. Par contre, le mercredi nous ne travaillions pas. En 1950, quand je suis rentrée, j’avais mademoiselle TEULET comme contremaîtresse et je l’ai retrouvé quelques années plus tard à l’Arsenal. Nous n’avions pas de formation spécifique sur le parachute. Il fallait simplement savoir utiliser la machine à coudre. Nous décousions la pièce déchirée, la contremaîtresse nous donnait un morceau neuf et nous recousions. Quand il n’y avait pas beaucoup de travail, nous faisions aussi des parachutes pour les usines de Cognac et de Bergerac. Ces usines devaient certainement appartenir aussi aux frères DREYFUS. L’usine de Montauban a fermé en octobre ou novembre 1961. je crois que les actionnaires avaient été un peu trop gourmands. Je suis alors allée travailler chez le fils BOUYER. L’entreprise s’appelait INTERFLEX, elle se trouvait presque en face de l’ALAT. Elle fabriquait des interphones. En juin 1962, je suis quand même rentrée à l’Arsenal, avec une autre dame qui s’appelait madame TISSANDIE. C’est un officier (dont j’ai oublié le nom) et qu’elle connaissait qui nous a fait entrer. Nous étions à peu près une vingtaine à rentrer à l’Arsenal. Je ma rappelle de : DAURIAC, OSPITAL, CARDETTI, LONDIOS, TROGLIA, MERCADIER, LACOMBE, LANGAGNE, LAGARDE, LAFARGUE, NARES Josette, TEULET. Nous avons été accueillies par madame BLANC qui était venue nous chercher au poste des gardiens veilleurs. Elle nous a expliqué succinctement ce qu’ils faisaient dans les ateliers et elle nous a demandé ce qui nous intéressait le plus entre la couture et la sellerie. Personnellement, j’ai choisi la couture et mon amie, la sellerie. Le chef de l’atelier couture était le lieutenant CLOAREC.Venant d’Aviorex, pour nous l’ambiance était bonne et le travail plus calme. J’ai quitté en 1992 après trente années de travail à l’Arsenal. |