Chapitre 5: LES OPÉRATIONS | ||||||
La spécialité des matériels de parachutage et de largage en Indochine. | ||||||
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Pierre GUIN: saint-cyrien de la promotion Général LECLERC (1946 - 1948), EAT Tours, affecté à la 1ère CRA à Kehl (Allemagne), deux séjours en Indochine, retour à Kehl, affecté en Algérie à l'état-major 3ème bureau. Il démissionne de l'Armée en 1962. | ||||||
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Extrait d’un article, paru dans la Revue Historique de l'Armée n°3 en AOÛT 1956, du Colonel LEONARD. | ||||||
Les problèmes du parachutage : Trois phases successives ont caractérisé les opérations de ravitaillement des troupes de Dien Bien Phû:
Le Matériel a fourni, en liaison avec les compagnies de ravitaillement par air, un effort exceptionnel pour satisfaire sans défaillance aux besoins du combat. Il a eu essentiellement à résoudre un problème de masse. Les ordres de grandeur des besoins sont en effet plus les mêmes avant et pendant Dien Bien Phû. Avant, la cadence des ravitaillements par air évoluait autour de 1 500 tonnes mois, et le potentiel disponible en parachutes à matériels vers 8 000 tonnes. Après l’engagement de la bataille, la cadence passe brusquement à 10 000 tonnes mois, et très vite il n’existe plus aucune possibilité de récupération des voilures. Problèmes de parachutes : L’ appel aux fabrications japonaises, l’aide américaine ont assez vite permis d’étaler. Les autorités américaines ont en particulier mis à la disposition de l’Indochine des parachutes de type G12 de 1 tonne, qui associés aux avions C119, ont permis tous les parachutages lourds. L’opération de Dien Bien Phû a consommé à elle seule, toutes récupérations du début déduites :
Problème des accessoires de largage, ces utilités auxquelles les hautes autorités ne pensent qu’à peine. Il a fallu approvisionner ou confectionner :
Tous les stocks des matières premières d’Indochine et des pays voisins ont été exploités et des appels massifs faits à l’extérieur. Il est arrivé des tonnes de corde de Manille par avions spéciaux. Il a fallu trouver 1 000 m3 de bois dans un territoire où les zones boisées étaient presque entièrement sous le contrôle du viet-minh. Les services d’approvisionnements de Hanoi et de Saigon, ont été mis à rude épreuve, et les service de transport ont réalisé des tours de force. Problème, enfin, nouveau du parachutage à haute altitude, et qui à reçu du Matériel une solution hardi et efficace. Dès que la DCA viet-minh s’est révélée terriblement efficace, il n’a plus été possible aux avions de procéder à basse altitude au largage du ravitaillement et de survoler à 300 mètres, comme ils le faisaient auparavant, les DZ de la cuvette de Dien Bien Phû. Mais il est apparu très vite que, si les parachutes étaient lâchés à une altitude excessive, la dispersion des points de chute croissait de façon inadmissible, et les charges tombaient en majorité hors des zones amies où leur récupération étaient encore possible. Aussi le 19 mars le commandement demande au Matériel d’étudier un dispositif d’ouverture retardée permettant de larguer entre 2 000 et 3 000 mètres avec ouverture du parachute vers 300 mètres. Il existait bien un dispositif américain (time cutter), mais de durée de fonctionnement trop faible, et à de rares exemplaires, même aux USA. Le japon avait fabriqué pour les forces françaises un « hesitator » à mouvement d’horlogerie, réglable jusqu’à quarante seconds, mais il n’était pas au point, et sa fabrication complexe ne pouvait être lancée dans les délais voulus. L’appareil à réaliser d’urgence ne pouvait être qu’un appareil de fortune. La solution adoptée a été préconisée par le lieutenant DEU, qui dirigeait la section d’entretien et de pliage des parachutes d’Hanoi, avec la collaboration technique du capitaine MASSON, chef de la section munitions de la direction des FTNV. Une suspente entourait au départ le bord d’attaque du parachute, et contraignait celui-ci à descendre en torche au moment du largage. Cette suspente était, au bout du nombre de secondes nécessaires, cisaillée par l’explosion d’une amorce détonateur. Pour déclencher au moment voulu cette explosion du détonateur, une mèche lente, d’une longueur calculée, était enflammée au largage par un allumeur à traction serti sur elle, et fonctionnant automatiquement au lâcher. L’ensemble du dispositif était fixé sur un bâti de carton attaché au parachute qui portait deux exemplaires de façon à réduire au maximum les chances de ratés. Les premiers déclencheurs à retard, demandés le 19 mars, étaient essayés le 21, mis au point, et la fabrication en série lancée le 28, à la cadence de mille par jour, puis de deux mille. Fabriqués à la fois à Saigon et à Hanoi, ils étaient acheminés du sud par avion spécial toutes les quarante-huit heures. Les durées de déclenchement ont été successivement de dix-sept, vingt-cinq, quarante et cinquante secondes, correspondant à la nécessité de parachuter de plus en plus haut. Il en a été construit soixante et onze mille entre le 28 mars et le 8 mai. Il a fallu, là aussi, résoudre des problèmes d’approvisionnement multiples et imprévus. Pour trouver 200m² de carton par jour, on a fait flèche de tous bois : récupération dans tous les services de la Guerre, utilisation d’emballages industriels (en particulier ceux qui possédait la société des cigarettes Bastos), commandes par avion à la métropole, etc.. 2 km de mèche lente chaque jour ont vite épuisé les ressources d’Indochine, l’aide américaine y a pourvu, ainsi que la métropole. Tous les types d’allumeurs ont été utilisés, et la métropole en envoyé cent quarante mille par avion. Il a même été monté une petite fabrication locale. De même pour le ruban adhésif de fixation, les agrafes, les suspentes, etc.. les colis largués de nuit étaient marqués à la peinture fluorescente. Enfin, grâce à l’activité et à l’imagination de tous, la fabrication des retardateurs n’a jamais été arrêtée. D’autres problèmes relatifs au parachutage ont été résolus favorablement : utilisation de grappes de voilures légères pour pallier l’absence de voilures lourdes (c’est ainsi qu’ont été parachutés les trois composants du 105 HM2), réparation des parachutes et accessoires de largage récupérés, etc.. Disons simplement pour terminer que, du 20 janvier au 7 mai 1954, nos avions larguèrent en Indochine 30 000 tonnes, soit le chargement de douze mille camions GMC, et que Dien Bien Phu a reçu en moyenne, pour sa part, 100 kg par minute. Grâce à ces efforts, la bataille a pu être alimentée jusqu’au bout, et les combattants résister jusqu’au déferlement final. | ||||||
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