Je suis arrivée, en avion, à Saigon le 14 mars 1952 où j’ai été affectée à la 4ème Compagnie Administrative du Service du Matériel (4° CASM du 1er BRM), stationnée au quartier Virgile à Saigon. Cette compagnie a été dissoute le 31 décembre 1952 et a donné naissance le 1er janvier 1953 au 2ème Bataillon de Réserve Générale du Matériel (BRGM). J’ai été affectée à la 127ème Compagnie Magasin pour emploi à l’ERGM de Saigon comme réparatrice de parachutes. L’ERGM était situé dans un quartier appelé « la plaine des tombeaux », car il y avait beaucoup de tombeaux autour. Les plieuses travaillaient à la SEP de la Base Aéroportée Sud (BAPS) qui était installée à GIA DINH dans la banlieue de Saigon sur l’aérodrome de Tan Son Nhut. Le matin des camions venaient nous chercher au cantonnement, qui se trouvait au camp des Mares, pour nous emmener travailler à l’ERGM et nous récupéraient le midi pour aller au mess qui se trouvait à l’intérieur du cantonnement. C’était des Vietnamiens qui conduisaient les camions. Toutes les filles disaient : « on ne sait jamais lequel c’est, on ne les reconnaît pas ! » Pour moi ils ne se ressemblaient pas du tout. Il y en avait un qui était plutôt gros et rond de visage et l’autre était plutôt maigre. Un jour le camion n’est pas venu nous chercher, parce que dans la nuit il y avait eu un ouragan. Ma chambre se situait à l’angle d’un bâtiment proche de beaucoup d’arbres. Le matin lorsque je me suis levée je ne me suis pas aperçu que tous les arbres étaient couchés : ils auraient pu tomber sur le bâtiment. Les routes étaient coupées par les arbres abattus et le camion n’a pas pu venir nous chercher. Je n’avais rien vu et surtout rien entendu. C’était signe que je dormais bien puisque les fenêtres étaient ouvertes, il y avait juste des persiennes qu’on ne fermait pas la plupart du temps. Après nous avons eu un car. J’avais comme « patron » le lieutenant PERRET. A l’occasion d’un repas, nous lui avions offert une sacoche en cuir confectionnée par les bourreliers de l’établissement. Le repas se tenait dans le hall d’aération des parachutes. Nous réparions les parachutes du type 660 et 661, ainsi que les parachutes de charge américain du type G1. Nous, nous vérifions les parachutes et dans l’atelier de réparation, c’était des Vietnamiennes qui étaient aux machines. Photo d’une prise d’armes, les petites au bout. En arrivant sur place demi-tour et lorsqu’il a fallu repartir les petites nous nous trouvions devant. C’est là que les gars, nous voyant passer, disaient : « Ah ! mais tiens, celui-là il est rose, ah ! ben voilà un bleu, un blanc… Nous ne comprenions pas car nous avions des chemisettes blanches, des jupes blanches, les cravates étaient toutes les mêmes, le béret aussi… Et après nous avions vite compris que comme il pleuvait, c’était de la couleur des soutiens-gorge dont ils parlaient. En Indochine je n’ai pas connu de moments difficiles. Il n’y a qu’un soir que j’aurais pu être blessée par la sentinelle… Je revenais de chez mes cousins et j’avais l’habitude de passer par le cantonnement des hommes pour éviter de faire tout le tour du quartier. J’avais l’habitude de passer par là, mais ce soir-là, c’était un Sénégalais qui était de faction et il ne voulait pas me laisser passer. J’avais beau lui expliquer, il ne voulait rien savoir. Heureusement le chef de poste l’a entendu, il est venu et il a pu me laisser passer. Une autrefois nous avions été invitées à manger chez une camarade à Thu Dâu Mot qui avait organisé une petite soirée. On entendait le canon… Pour Dien Bien Phu, j’étais à DALAT pour accoucher de ma première fille. Là-bas il y avait une infirmière qui nous disait : « parmi tous les blessés dont j’ai la charge, il y en a, c’est lui qui remonte le moral aux autres bien qu’il ne lui reste qu’une jambe : il est vraiment formidable ce garçon…. Une chose qui m’a marqué, c’est qu’à Saïgon, tous les six mois ils nous envoyaient au Cap Saint-Jacques, dans un centre de repos, passer une semaine. La première fois que j’y suis allé, j’avais une table à côté d’une fenêtre qui donnait sur une butte entourée d’un grand grillage. Je disais aux gens qui nous encadraient : « vous ne croyez pas que si les Viets ils veulent venir, ils pourraient arriver par là… » Oh ! bien non m’a-t-on répondu. Seulement quelque temps après mon passage, il y a eu un massacre dans le mess : les Viets sont arrivés et ont tiré sur tous ce qui bougeait. Les loisirs se résumaient à faire les magasins de la rue Catinat. Lorsque nous avons été accueillies à notre arrivée en Indochine c’est le premier endroit où on nous amenait. Ce jour-là, je me suis retrouvée toute seule dans un pousse-pousse, alors que les copines étaient par deux. Rapidement, nous avons été distancés : plus personne. Le gars il continuait, malgré tout, et je ne savais pas trop où il m’emmenait. Je lui ai demandé de faire demi-tour, car on commençait à être en pleine campagne. Et d’un seul coup, nous avons retrouvé les filles qui m’attendaient au détour d’une rue. Je suis donc restée deux ans et demi en Indochine sans revenir en France. À mon retour j’ai eu droit à trois mois de congé de fin de campagne. Je voulais repartir là-bas, mais les chefs n’ont pas voulu. Il faut dire que nous étions en janvier 1955 et que Dien Bien Phu était tombé. | À lire son séjour au Maroc | - Photos transmises par Jeanne LABRUGÈRE.
| | La salle de vérification des parachutes. | | | | | Au premier plan, Liliane MARTIN et Lilie CRESPIN. | | | | | | |