Chapitre 6: LES FÉMININES DE LA SPÉCIALITÉ DES MATÉRIELS DE PARACHUTAGE ET DE LARGAGE

 

Témoignages de personnels militaires féminins de l'Armée de Terre (PMFAT).

 
  • Témoignage du CNE(er) Jacqueline PIAZZON (Coin's 101).
J'ai effectué une carrière militaire en y mettant beaucoup d'efforts et de volonté. J'ai saisi les opportunités, soit en situation, soit en rencontre, quand elles se présentaient. Elle a été riche en évènements, quelque peu mouvementée ce qui n'a pas été pour me déplaire. Je n'ai jamais craint la personne en face, je suis restée acteur de ma vie. Je remercie les personnes qui m'ont aidé à réaliser ma carrière.
Je suis née dans une famille italienne. À 21 ans j’ai choisi la nationalité française. Majeure, je rêvais de changer de vie. Je travaillais dans un atelier de couture "vêtements de luxe" avec une belle expérience dans la profession.
Partir de chez moi, être indépendante, le seul moyen d’y arriver, c’était de signer un engagement avec un organisme. Je savais qu'il existait des femmes dans l'armée. Je me suis donc engagée sans aucune vocation particulière pour cette voie. J'étais fascinée par l'affiche que je découvrais à la gendarmerie en allant présenter mes cartes d'étrangère "engagez-vous vous verrez du pays".
À Châlons-sur-Marne, au CDAT (centre de documentation de l’armée de terre), j'ai demandé la profession de Maître tailleur, il n'y avait pas de femmes dans cette spécialité. Par contre, à l'ERGM de Montauban, ils recrutaient des réparatrices.
L'engagement fut très rapide. Huit mois après, en août 1969, j'étais à Metz au RLA (régiment de livraison par air) et en septembre, je rejoignais l’école des PMFAT (personnels militaires féminins de l’armée de terre) à Dieppe. Je n'avais aucune difficulté à suivre l'instruction. Cependant, une surprise m'attendait : je n'avais pas reçu ma carte d'identité, j'étais en carte de séjour et je n'avais qu’une attestation de la préfecture. L'école a fait le nécessaire pour l'obtention de cette carte, sans elle, je devais quitter.
Après six semaines à l'école des PMFAT, notre affectation était Montauban à l'ERGM. Je ne rencontrais aucune difficulté à la réparation des parachutes et encore moins à l'instruction.
Après mon CT1 (certificat technique du 1er degré), je suis allée à l'ALAT à l'atelier des analyses des huiles d'hélicoptère. Je me suis portée volontaire pour aller au TCHAD. En avril 1974, je suis mutée au 5ième RIAOM avec l'ADC BIALES. Le séjour se passe bien, j'ai le goût de l'aventure. Malheureusement, en octobre 1975, l'armée Française doit quitter le TCHAD.
À mon retour, je suis allée à l'instruction MAT-PARA pour l'inscription du CT2 de janvier 1976. Refus du capitaine parce que j'étais en transit sur Marseille. Je suis allée à Paris à la Direction du Matériel pour m'inscrire : j'ai terminé major de ce stage.
Quelle différence entre les sous-officiers masculins et féminins ! Dans mon esprit il fallait que ça change. Après mon CT2, je suis allée au para-club à Pau. Deux gendarmes m'ont annoncé ma mutation d'urgence au 2ième REP à Calvi.
À Montauban, je suis allée au bureau des personnels, où m'attendait le chef d’atelier de Calvi. . L'accueil fut quelque peu brutal, pas de salutations. Il m’a dit: « j'en ai maté plus d'une, vous aussi je vous materai, « disciplinairement » sous mes ordres! (La raison de cette mutation j'avais osé demander un bon poste
).
J'étais sergent-chef. Comment respecter un chef qui vous traite de la sorte. Ma réponse ne se fit pas attendre. Je n'étais pas de celle qui se pliait devant un supérieur non respectueux. J'avais décidé de me faire respecter, j'avais du caractère.
En arrivant à l'atelier de CALVI, je lui ai dit, que le seul poste qui m'intéressait, c’était le sien. Je lui ai rendu la vie difficile pendant quatre ans, et l’ai aidé à prendre sa retraite.
?Il a été remplacé par l’ADC COUDERC et depuis cet instant, le personnel féminin a participé aux diverses manifestations du régiment. Nous avons eu la visite du Directeur de l'ERGM. Il nous a reçus pour nous demander nos desiderata : pour ma part, j'ai demandé à passer le concours des majors et être chef d'atelier en expliquant les raisons de ces choix. J'ai reçu la réponse le lendemain. Le chef de corps du régiment était d'accord pour je prenne la succession de l’adjudant-chef.

Je n’ai rencontré aucune difficulté dans ma fonction de chef d’atelier. Les relations avec le régiment et le CINC (centre d’instruction des nageurs de combat) d'Ajaccio étaient excellentes.
En 1983 je suis au tableau d'avancement d'ADC, je me suis inscrite pour le concours des majors. La veille de passer l'écrit à Ajaccio, nous étions quatre sous-officiers, dont trois de la Légion. Le commandant, inspecteur MATPARA de Paris nous rendit visite à l'atelier. En aparté, il me dit:  « des sous-officiers plus intelligents que vous ont raté le concours, vous n'avez pas honte de vous présenter, surtout pour la spécialité! ». J'étais abasourdie. Quel misogyne cet homme, le personnel féminin était vraiment mal considéré, voire pas considéré du tout. Cependant, un jour j'ai reçu un compliment du Chef de Corps du 2ième REP : « vous êtes la femme idéale pour notre régiment, alors continuons dans cette voie et avec de la voix ! ».
J’ai été reçue au concours, 15ième sur 25. J'étais le seul sous-officier féminin, voire la première du Matériel. Preuves que ces réflexions étaient injustifiées, et surtout déplacées. J'avais seize années de service et toujours la même pugnacité.
?
En 1985 le poste de chef d’atelier réparation au 2ème RPIMa à la Réunion était vacant. J'ai fait ma demande de mutation. Pas de réponse de Montauban, alors j'ai pris une autre voie. Les chefs de corps du 2ème REP après leur temps de commandement se retrouvaient à Paris à la DPMAT. J'ai formulé ma demande, et j'ai obtenu le poste, encore un de gagné. Je suis mutée au 2ème RPIMa en avril 1985.
Quelle réception! Le commandant en second me reçoit, « ici on ne veut pas de femmes, vous pouvez disposer ». Il a toujours refusé de me saluer. Quelques jours après le Chef de Corps me reçoit: « je ne voulais pas de sous-officier féminin chef d'atelier : vous m’avez été imposée ».

Après onze années passées en régiment, mon caractère s'était modifié, j'étais devenue sans émotions, hermétique et coléreuse. Deux mois après, j'étais acceptée par le 2ième RPIMa du fait de mon autorité naturelle.
?
En 1986, j'ai fait ma demande pour passer officier rang. Changer de statut était pour moi un nouveau défi, un autre départ de carrière. En 1987, après le 2ième RPIMa, j’ai été mutée à l'ENTSOA (École nationale technique des sous-officiers d’active) à ISSOIRE comme chef de section. Les élèves préparaient un bac technique et le CM1 (certificat militaire du 1er degré) : la section était mixte. N'ayant ni CM1 ni CM2, je me suis plongée dans le TTA150. Dix mois après je suis promue lieutenant et mutée à l’ENSOA (École nationale des sous-officiers d’active) de Saint-Maixent, en tant que chef de section.
À Issoire, j'ai eu un sérieux problème de santé et en me rendant à ST MAIXENT un accident de circulation. Les circonstances ne m'étaient pas favorables.
Lors de ma présentation au général commandant l'ENSOA, j'étais très fatiguée. Je comprends sa réaction, que faire d'un chef de section handicapé. La machine était en route, le médecin-chef m’a déclaré « apte pour le service ».
?En septembre 1988, j'étais affectée en Bataillon avec trente et une filles sous mes ordres. Nous avions peu de contacts avec le personnel de l'école. Mes relations avec les chefs de section étaient correctes.
Le commandant d'unité employait mes élèves comme servante. J'ai réglé le problème avec toute ma diplomatie légendaire. Après ce fut la mésentente totale.

J'ai terminé mon année au Bataillon, et j’ai demandé une mutation interne. Je n'avais aucune spécialité administrative. Le commandement m'a proposé trois postes, j'ai choisi le matériel du commissariat.
Quel changement! C'était la première fois que j'étais la bienvenue dans un service ! Pour apprendre le métier, je me suis remise aux études le soir. Le service du matériel était très dispersé. Un grand bâtiment a été construit pour rassembler l'ensemble. J'ai eu l'entière confiance de mes chefs pour les plans de l'infrastructure et l'organisation des chaînes habillement des élèves. Actuellement cette organisation est toujours la même.
Avec les cadres de l'école j'avais de bons contacts, je n'ai jamais ressenti de rejet, j'étais invitée à toutes les sorties des promos. Le passage en bataillon fut nécessaire pour connaître le besoin des élèves.
En 1992, j'ai reçu un ordre de mutation pour aller commander une compagnie d’Instruction dans un régiment du Matériel. J'ai refusé, c'était très néfaste pour moi. Je désirais terminer ce que j’avais entrepris et voir le fonctionnement de ma « boutique » lors des incorporations des promotions. Le Général a fait annuler l'ordre de mutation: je suis restée sept ans à l 'ENSOA.
?En 1995, j'ai pris la retraite à taux plein, après 26 ans de service et le grade de capitaine.
Quand je fais le bilan de ma carrière militaire, je suis satisfaite d'avoir bousculé les « dictats » des masculins de la spécialité: je ne regrette rien !
?
Avoir un caractère explosif ne m'a jamais porté préjudice. Mon attitude, quelque peu rebelle, a sûrement permis à d'autres femmes d'être mieux intégrées et mieux reconnues que ne l’ont été celles qui m'ont précédé.
  • Photos transmises par Jacqueline PIAZZON
Tchad. Tchad.
2° REP: Les féminines de l’atelier, au complet, pour une course d’orientation avec la Légion. Le tour de l’île avec la compagnie tournante du 2ième RIMa.
11 novembre 1987 à Issoire. Novembre 1988 : présentation des sections à l'ENSOA.
Avril 1989 : sortie sur le terrain à Montmorillon. Mon pot de départ en juillet 1995



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