Une fois passé mon certificat d’aptitude professionnelle de couturière, mon père m’a dit : «débrouilles toi, il te faut trouver quelque chose ». L’armée ça ne lui plaisait pas de trop, parce que les féminines avaient mauvaise réputation dans cette institution. J’y suis rentrée quand même parce qu’il fallait travailler. Faire du ménage chez quelqu’un cela ne plaisait pas. L’Arsenal a pris modèle chez RAMOUNEDE & Fils pour monter le travail à la chaîne. C’était une grande usine de confection sur Colomiers. J’y ai travaillé pendant deux ans. On faisait de la confection homme. Mon accueil au bureau de recrutement m’a beaucoup marqué. J’ai été reçue par un homme qui m’a fait passer un véritable interrogatoire. En plus il murmurait plus qu’il ne parlait, c’était particulier, je n’avais jamais vu cela. J’avais 21 ans. J’ai fait ma formation à Dieppe avec ARTAL, DURAND et GIRARD. Je n’ai pas de souvenir particulier : il fallait le faire. Le plus dur pour moi, c’étaient les dictées à cause de leur accent, j’avais du mal à les comprendre. Après, mon père était content, il était même fier. Il disait toujours « c’est celle qui a le moins de diplôme, qui s’en sort le mieux ! ». A l’atelier, j’ai beaucoup travaillé aux « visiteuses ». Je faisais surtout du Plans & Devis. Pour moi, il y avait une bonne ambiance à l’Arsenal. C’était assez familiale : surtout par rapport à ce que j’ai vécu après en dehors de la spécialité. Comme capitaine aux ateliers, j’ai eu DUBOIS et KERMEL. MANZO était chef d’atelier et présidente des sous-officiers féminines. Une seule fois, je n’ai pas fait le rendement imposé. Je suis donc revenu le samedi pour le terminer. Je me rappelle que c’était à cause de la couture sur les ventraux : c’était très dure. J’ai un bon souvenir du brevet parachutiste, malgré un petit incident. Lorsque nous étions au stage, on en rêvait la nuit. Mon souvenir de ce stage sera un bon bleu que j’ai eu avec le cercle métallique à la tour d’arrivée. En arrivant au sol, je me suis pas dégrafée assez rapidement et j’ai reçu le cercle en pleine figure. C’est pour cette raison que je porte des lunettes de soleil sur la photo de remise des brevets. C’était FILIATRE qui nous accompagnait au brevet. Après le brevet nous sautions pour le plaisir, nous ne percevions pas la solde à l’air. Nous avons eu la solde à l’air avec le nouveau statut : nous étions sous-officiers à part entière. J’ai participé au défilé du 14 juillet 1972 à Paris. C’était une bonne expérience. Personne ne voulait laisser sa place. DUBOIS nous a fait nous entraîner sur l’air « d’auprès de ma blonde ». En 1978, j’ai été mutée au SIAR (Service Industriel de l’Armement), pour faire de la réception et du contrôle de parachutes chez EFA. J’ai remplacé Marie-Louise TERRASSON, qui prenait sa retraite, après avoir travaillé quelques mois avec elle. Nous travaillions pour toutes les armées (Terre, Air, Mer). Nous procédions par prélèvement de 10% de matériels par type de matériel. Je suis restée au SIAR jusqu’en 1984, année au cour de laquelle EFA a été transféré sur Cognac. Au début des années 80 le SIAR m'a proposé de faire un stage sur le fonctionnement du siège éjectable " Martin BACKER ". J’ai accepté avec plaisir. J'ai donc rejoint un stage pour mécanicien contrôleur de l'armée de l'Air. Je me souviens très bien que nous avons eu, entre autres comme instructeur, un "physicien". Cela m'a beaucoup marqué car entre les explications et les théorèmes ça planait bien haut. L'étude du fonctionnement du siège éjectable et de son parachute était très intéressante. Puis j’ai été mutée au détachement du Matériel du 6ème RHC à Compiègne, pour suivre mon mari qui était MAT ALAT. Là je me suis retrouvée aux approvisionnements, alors que je n’y connaissais rien en la matière. J’ai fait aussi l’ERM de Chalon sur Marne. Le plus dur c’était quand je montais la permanence. Tous les régiments qui étaient en manœuvre dans les camps à Mailly, Mourmelon ou Suippes, venaient chercher les pièces de rechange à l’ERM et je n’y connaissais pas grand-chose parce que je n’avais eu aucune formation en approvisionnements. Je passais un peu pour une « nouille » ! C’était pareil, aussi pour le tir. J’ai tout appris sur le tas. Faisant partie des anciens statuts, je n’avais pas fait le C.I.A. (certificat inter armes). Naturellement pendant les séances de tir, je faisais l’objet de tous les regards : les masculins attendaient le faux pas ! ils murmuraient entre eux, mais ce n’était pas méchant, c’était plus pour rire. En plus j’étais la seule féminine. Le fait d’être adjudant-chef posait des problèmes, parce que nous n’avions pas le même niveau que nos homologues masculins. Mais bon, si c’étais à refaire, je le referais. Partout où je suis passée, je me suis adaptée. C’est quand même à l’Arsenal que je me suis le plus plu : c’était familial. |